Locataire : expulsions, qui ne peut-on pas expulser ?

1,2 million : c’est le nombre de personnes en France qui vivent chaque année sous la menace d’une expulsion. Derrière ce chiffre, des parcours cabossés et des règles strictes qui balisent l’action du propriétaire. Certaines protections s’appliquent, d’autres tombent, et la frontière entre droit au logement et devoir de quitter les lieux n’a rien d’absolu.

En France, le propriétaire ne peut pas expulser un locataire protégé par la trêve hivernale, sauf exceptions précises comme le relogement assuré ou l’immeuble déclaré dangereux. Certaines personnes bénéficient d’une protection renforcée en raison de leur âge, de leur état de santé ou de la présence d’enfants en bas âge dans le foyer.

La procédure d’expulsion répond à des règles strictes et comporte plusieurs étapes obligatoires. Le non-respect de ces exigences expose le bailleur à des sanctions. Des recours existent pour contester une décision d’expulsion ou obtenir des délais supplémentaires.

Les motifs légaux d’expulsion d’un locataire : ce que dit la loi

En matière d’expulsion de locataire, le droit français ne laisse que peu de place à l’interprétation. Pour agir, un propriétaire doit disposer d’un motif conforme à la loi : la résiliation du bail ne se décrète pas sur un coup de tête. Les cas les plus fréquents ? Les loyers impayés, bien sûr, mais aussi des manquements répétés aux obligations contractuelles : défaut d’assurance habitation, nuisances, dégradations volontaires ou sous-location sans autorisation. Le bail, bien souvent, inclut une clause résolutoire : en cas de défaillance majeure, elle permet d’accélérer la procédure si le locataire ne régularise pas la situation.

Les principaux motifs reconnus par la loi sont listés ci-dessous :

  • Loyers impayés et charges non réglées
  • Absence d’assurance habitation
  • Non-respect de l’usage paisible du logement (nuisances, tapage, dégradations…)
  • Sous-location interdite

Lorsque la clause résolutoire figure dans le contrat, la procédure s’accélère : après un commandement de payer resté sans effet, le propriétaire saisit la justice. En l’absence de cette clause, seul le juge peut prononcer la résiliation, en tenant compte de la gravité des faits et de la situation du locataire.

Jusqu’à la décision du juge, le locataire ne peut être contraint de quitter les lieux. Tout passage en force, changement de serrure, intimidation, expulsion sauvage, expose le bailleur à des poursuites pénales et à une remise en cause de la procédure.

Qui bénéficie d’une protection contre l’expulsion ?

La trêve hivernale, qui s’étend du 1er novembre au 31 mars, forme le bouclier principal pour de nombreux locataires. Pendant cette période, aucune expulsion ne peut avoir lieu, sauf exceptions prévues par la loi. Cette suspension concerne aussi bien les locataires avec bail que les occupants sans titre, mais la réglementation a évolué : certains squatteurs ne sont plus protégés, surtout s’ils occupent le domicile principal d’autrui ou un logement vacant de manière illégale.

Dans des circonstances particulières, le juge peut lever cette protection, notamment si un relogement adapté est proposé ou en cas de danger pour la sécurité des occupants (immeuble menaçant ruine, par exemple). Par ailleurs, la loi accorde une attention spécifique à certains profils : personnes âgées de plus de 65 ans disposant de faibles revenus, familles avec de jeunes enfants, personnes fragilisées par la maladie ou le handicap. Le juge du contentieux de la protection examine ces situations au cas par cas.

Voici les principales catégories concernées par cette protection :

  • Personnes couvertes par la trêve hivernale
  • Occupants bénéficiant d’un relogement décent proposé par le bailleur ou les autorités
  • Locataires considérés comme vulnérables (âge, santé, présence d’enfants en bas âge)
  • Situations particulières étudiées par le juge

Le propriétaire doit composer avec ces garde-fous : même avec une décision d’expulsion en poche, il ne peut passer outre la trêve hivernale, ni ignorer la vulnérabilité du foyer. Toute action précipitée ou non conforme expose à l’annulation de la procédure et à des sanctions.

Étapes et obligations lors d’une procédure d’expulsion

Une expulsion locative ne s’improvise pas. Pour le bailleur, le parcours impose de suivre chaque étape, sous le contrôle du juge et du commissaire de justice. Même face à un impayé ou à une situation de trouble manifeste, le droit impose un processus précis.

Concrètement, tout commence par un commandement de payer, délivré par un commissaire de justice (anciennement huissier). Ce document donne au locataire deux mois pour régulariser sa dette. Passé ce délai, si aucune solution n’est trouvée, le bailleur saisit le juge du contentieux de la protection. Une audience est organisée, lors de laquelle la situation du locataire est examinée dans le détail : montant des dettes, circonstances, perspectives de redressement.

Les étapes de la procédure sont les suivantes :

  • Délivrance du commandement par commissaire de justice
  • Saisine du juge du contentieux de la protection
  • Audience au tribunal et décision du juge

Si la résiliation du bail est prononcée, le locataire dispose d’un mois pour quitter le logement, sauf si le juge accorde un délai supplémentaire. S’il refuse de partir, le commissaire de justice délivre un commandement de quitter les lieux. Le préfet peut alors être sollicité pour obtenir l’aide de la force publique, si nécessaire. À chaque étape, les obligations sont strictes : pas de raccourci, pas d’arrangement hors du cadre légal. Toute précipitation expose à la nullité de la procédure.

Femme agee recevant conseil d une assistante sociale dans un appartement lumineux

Quels recours pour le locataire menacé d’expulsion ?

Face à une procédure d’expulsion, un locataire n’est jamais sans ressource. Avant toute audience, il est possible de demander l’aide d’un conciliateur de justice : ce tiers indépendant peut faciliter la discussion avec le propriétaire, trouver un compromis sur l’échelonnement des dettes ou amorcer un plan de remboursement. Cette démarche permet souvent d’éviter que la situation ne dégénère devant le tribunal.

Sur le plan financier, plusieurs dispositifs existent. La CAF propose des aides au logement et, dans les situations d’urgence, un soutien pour éviter la perte du toit. Le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) peut intervenir pour éponger une partie des dettes locatives ou financer un relogement. Certains salariés fragilisés par une baisse de revenus peuvent solliciter Action Logement pour des solutions spécifiques.

En amont de l’audience, le locataire peut solliciter un point conseil budget : ce service d’accompagnement aide à établir un état des lieux précis des finances et à préparer un dossier solide. L’intervention d’un travailleur social ou d’un avocat spécialisé n’est jamais superflue : ils épaulent dans la constitution du dossier, la présentation des justificatifs ou la demande de délais de paiement.

Les recours à disposition sont multiples :

  • Conciliateur de justice : médiation, négociation de l’échelonnement des dettes
  • CAF, FSL, Action Logement : aides financières, mesures d’accompagnement
  • Point conseil budget : bilan, conseil pour restructurer les finances

Autre solution à ne pas négliger : la Garantie Visale, qui peut sécuriser le paiement du loyer dans certains cas et rassurer le bailleur. Chaque option vise à préserver la stabilité du locataire, tout en respectant les droits du propriétaire. La procédure d’expulsion est balisée, mais elle n’est jamais sans issue pour celles et ceux qui s’y retrouvent confrontés.

Dans cette course entre fragilité et droit, chaque étape compte. L’expulsion n’est jamais une fatalité : à chaque carrefour, le dialogue, l’accompagnement et la rigueur juridique peuvent transformer le scénario. La balance reste mouvante, entre justice du contrat et respect de la dignité humaine.

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